Visite de l’antenne de Zinvié du Centre Régional de Rechercher et d’Education au Développement Intégré (CREDI-ONG) Le Centre Régional de Recherche et d’Education au Développement Intégré (CREDI) est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) qui œuvre pour la préservation de l’environnement, la promotion de l’aquaculture intégrée et l’agriculture paysanne. Le CREDI a été fondé il y a 10 ans par deux amis : un français et un béninois (voir l’article dédié à notre rencontre avec le directeur exécutif). Le 9 janvier, nous avons visité l’antenne de Zinvié au cœur de la « vallée du Sitatunga », plus précisément à Kpotomey. Le Sitatunga est une espèce endémique de Guib d’eau proche de l’antilope en danger d’extinction ; notre rencontre avec le directeur exécutif nous apportera plus d’informations sur le choix du nom « vallée du Sitatunga » (voir article dédié). Le Sitatunga n’est pas la seule espèce en péril dans cette vallée qui commence à quelques kilomètres de Cotonou, dans les terres. Cette antenne est accessible par les routes de terre rouge typiques du Bénin, elle héberge un refuge animalier et un complexe éducatif pour la sensibilisation, l’éducation et la préservation de la faune et de la flore locale mais également pour la formation des communautés locales à la mise en place et au développement de solutions innovantes accessibles pour le développement intégré de la région. L’objectif de cet article est de rendre au lecteur compte de ce que nous avons vu lors de notre visite. Nous suivons objectivement le parcours de la journée. Un dernier chapitre partagera avec le lecteur quelques remarques complémentaires et nos points de vue plus subjectifs. Sensibiliser & éduquer Le parc zoologique Comme précisé en introductions, l’antenne de Zinvié abrite un refuge animalier. Le CREDI-ONG recueille, soigne et protège des animaux blessés et/ou orphelins. Les animaux blessés, en fonction de l’intensité des soins sont relâchés ; les orphelins restent généralement sur le centre (voir remarques subjectives en fin d’article). Salle des poissons Nous recensons plus de 50 espèces différentes de poissons dans la vallée du Sitatunga. La visite de l’antenne du CREDI-ONG de Zinvié à Kpotomey commence par une série d’aquariums dans lesquels nous retrouvons différentes espèces de poissons autochtones : tilapia à cinq bandes, tilapia du Nil, poisson chat, brochet, chrysictis, poisson grogneur (il crie lorsqu’en dehors de l’eau et pique celui qui daignerait le déranger), poisson électrique (décharge à 220V !), poisson barbu, poisson chien, poisson couteau, hemichromis (il change de couleur pour virer au rouge lors de sa période reproductive ; notable chez le géniteur), … ; le visiteur peut également y rencontrer des crabes terrestres aux beaux reflets bleus. Nous apprenons que les « moustaches » de nombres de ces poissons sont utiles pour creuser le fond de leur espace de vie aquatique pour, par exemple, y pondre leurs œufs. Un panneau explicatif est là pour informer le visiteur sur les caractéristiques physiques et biologiques de certains de ces poissons ; utile pour les quelques 2 000+ scolaires qui visitent le centre chaque année ! Nous continuons notre visite avec la « salle des mammifères ». Salle des mammifères La vallée du Sitatunga abrite une faune riche ; celle-ci inclus de nombreux mammifères. La salle des mammifères est là pour présenter au visiteur certains des petits mammifères de la région. Mais avant de croiser les écureuils de Kitampo, rats de Gambie, aulacodes (ça se mange) et autres atheures africains (porc-épic local qui peut envoyer des pics de sa queue pour sa défense !), la salle présente deux frises chronologiques qui nous interpellent : d’un côté l’histoire de la création selon la Bible, de l’autre la théorie scientifique avec les dates remarquables pour l’évolution animale et les extinctions de masse (en millions d’année) ; au point zéro de la frise est affiché l’extinction de masse actuelle, juste après l’homo sapiens sapiens au point -2… Prochaine étape : la boutique ! (Chapitre dédié plus bas) Reptilarium La vallée du Sitatunga abrite également de nombreux reptiles. La visite propose d’en observer quelques-uns en captivité. Nous commençons avec un couple de crocodiles nains (maximum 2 m de long) ; plus tard nous croiserons un crocodile d’Afrique de l’Ouest (jusqu’à 4,50 m de long). Nous en apprenons plus sur les activités dites de « monitoring » des crocodiles de la vallée. En effet, le CREDI-ONG procède à un certain nombre de mesures morphométriques (sic) des crocodiles de la vallée avant de les marquer et de les équiper d’un transpondeur qui permettra à son tour de les suivre dans la nature et de procéder régulièrement à de nouvelles mesures et obtenir de précieuses informations sur le développement des crocodiles ainsi traités. Nous passons ensuite aux serpents : python royal (qui n’attaque pas l’homme), python de Seba (le spécimen observé meure 4,50 m ; il peut atteindre 10,50 m de long ; il peut attaquer l’homme), cobra cracheur (très énervé lors de notre visite), vipère heurtante (si on l’enjambe elle poursuit et attaque, il faut lui marcher dessus pour être en paix), boïga de blanding, lamprophis des maisons, … Lors de notre passage la guide nous a indiqué que parfois étaient hébergés des tortues et des crapauds. Enfin, nous apprenons qu’il est également possible de suivre un parcours ornithologique pour en observer in situ les oiseaux de la vallée. Singes La vallée abrite trois espèces de singes : mona, tentane ou vanvé et ventre rouge (quelques doutes sur l’orthographe…). Le traitement des déchets Nous sommes agréablement surpris de voir un point de collecte des déchets au milieu du village de Kpotomey. En effet, un constat saisissant que nous faisons dès les premiers instants au Bénin est l’omniprésence de déchets en ville, à la campagne, sur les plages, … partout les déchets volent, s’entassent et forme un nouvel horizon du sol que nous foulons. Le problème est culturel : jeter ses déchets au sol est normal, brûler ses déchets est normal ; le problème est infrastructurel : nous ne trouvons pas de poubelles en ville. Ici, la déchetterie travaille en collaboration avec une ONG qui récupère, traite et -le cas échéant- recycle les déchets du village. Passé la déchetterie, nous traversons trois enclos de conscientisation de l’impact des déchets sur l’environnement, les risques associés pour l’individu et les solutions disponibles pour pallier ce problème. L’initiative est forte et nous sommes ravis d’apprendre que les visiteurs qui le traversent prennent conscience du problème et des solutions. Préserver et réhabiliter la faune et la flore locale Il est intéressant de noter que la protection de l’environnement ne rentrait pas dans les objectifs premiers du CREDI-ONG. Notre rencontre avec Martial nous a permis de mieux comprendre le cheminement vers la préservation et la réhabilitation de l’environnement de la vallée. Cependant, dès que nous apprenons la signification du mot « Kpotomey », nous comprenons le besoin. Kpotomey signifie « panthère ». Il fut un temps où la vallée du Sitatunga était également la vallée de panthère Kpotomey. Notre guide nous explique que l’espèce est désormais éteinte, chassée par l’humain jusqu’à la dernière. Le CREDI-ONG œuvre pour que le nom de la vallée ne soit pas un autre éponyme post mortem. Comme évoqué plus haut, le Sitatunga est une espèce endémique de Guib d’eau proche de l’antilope en danger d’extinction. La femelle peut atteindre 1,30 m de hauteur au garrot pour un poids de 80 kg ; le mâle une hauteur de 1,50 m au garrot pour un poids de 120 kg. Il est facile de les distinguer : la femelle n’a pas de cornes, le mâle oui. Le Sitatunga est une espèce semi-aquatique qui peut passer sa journée tant dans les marais que sur la terre ferme. Lors de notre visite, nous avons pu admirer le pelage roux strié et moucheté de blanc d’un jeune mâle et d’une jeune femelle, paisibles dans leur enclos. Nous avons également pu observer un spécimen de Guibanarché (orthographe ?), plus petit et non aquatique ; il vit sur la terre ferme. La chasse de ces deux espèces de guibs est désormais interdite. Former, expérimenter et développer des solutions intégrées d’aquaculture et d’agriculture paysanne : la ferme Lapins et petits animaux Dans un esprit d’agriculture intégrée, le CREDI-ONG combine le maraîchage, l’aquaculture et l’élevage de petits animaux tels que les lapins. Nous n’avons pas visité l’élevage des lapins. Ferme aquacole « Pantodon » La ferme aquacole recoupe trois activités :
La production végétale correspond aux activités maraîchères. Nous n’avons pas visité les cultures maraichères lors de notre visite. Mais nous avons goûté l’ananas, le sodabi (donc la palme), la tomate, la carotte et l’oignon de la ferme. A Kpotomey, le CREDI-ONG cultive également le bobab, la luffa (éponge végétale), la grande morelle, la citronnelle, la moringa. La production halieutique correspond à la culture de poisson tels que le tilapia et la silure dans une logique intégrée. Par exemple, le Centre élève quelques porcs qu’il nourrit avec les résidus de la production agro-alimentaire, ces porcs vivent dans des enclos sur pilotis au-dessus d’un bassin intermédiaire. Ce bassin intermédiaire récolte ainsi la fiente des porcs qui fertilise l’eau du bassin et permet le développement d’asticots qui nourriront les poissons. Le choix d’un bassin intermédiaire permet de contrôler l’eau partagée avec les étangs et les bassins d’élevage de poissons et, le cas échéant, de contenir toute potentielle contamination. A Kpotomey, le CREDI-ONG produit 15 000 tonnes de poissons par an sur trois étangs + deux bassins si besoin. Toujours dans une logique intégrée, les poissons partagent les étangs avec quelques canards qui consomment les excès éventuels de nourriture donnée aux poissons et, au moyen de leurs pieds palmés, oxygènent le bassin. Il est important de rappeler que l’antenne de Kpotomey ne se destine pas à la production mais plutôt à la formation et à l’expérimentation. Il s’agit là d’une ferme école. Cette ferme-école soutient directement l’effort de préservation de l’environnement de la vallée en proposant notamment aux chasseurs des solutions alternatives à la chasse pour se nourrir et générer un revenu : maraîchage, élevage, pêche… Le CREDI-ONG apporte un soutien technique, matériel et financier (prêts sans intérêts) à ses élèves. Nous rappelons que ce soutien est gratuit. Le CREDI-ONG est notamment très actif auprès des chasseurs et des enfants descolarisés. Les « déchets » des activités mentionnées ci-dessus sont valorisées au travers du compost (vert + fiente). A ce titre, nous saluons également l’installation de toilettes sèches avec séparation liquide-solide. En effet, à l’évocation de cette solution lors de nos visites d’autres fermes, il semblait que cette solution ne soit pas attirante pour les intéressés… Quoiqu’il en soit, nous invitons le lecteur à un effort d’objectivité et de raison à la lecture de la solution mise en place. Les urines sont récupérées et diluées dans l’eau pour contrer le développement d’éléments pathogènes ; le mélange est utilisé pour apporter les nutriments aux sols et aux plantes du jardin maraîcher. Les selles sont mélangées à de la sciure de bois disponible localement pour obtenir en quelques semaines fertilisant riche en nutriments également utilisé pour la culture maraichère. Boutique La boutique propose :
Remarques complémentaires et points de vue subjectifs Le CREDI-ONG impressionne par la diversité de ses activités. Nous invitons le lecteur à lire l’article dédié à notre rencontre avec Martial le fondateur et actuel président exécutif du CREDI-ONG pour en apprendre plus sur l’historique, les réalisations et les perspectives de cette belle association. Nous sommes positivement impressionnés par ce qui est fait à Kpotomey et par le CREDI-ONG plus généralement. Certains aspects et/ou réalisations du Centre nous interpellent et ne semble pas cohérentes de certaines de nos idées. Nous estimons également qu’il est important de conserver un œil critique par rapport à notre expérience dans l’objectif, entre autres, d’identifier plus finement les initiatives qui nous paraissent les plus pertinentes dans le cadre de notre voyage. La captivité Les objectifs de préservation de la faune et de la flore locale ainsi que les initiatives de réhabilitation environnementale au travers de l’implication des communautés locales est une force indéniable et un magnifique vecteur de développement qu’apporte le CREDI à la vallée du Sitatunga ; nous sommes heureux et comblés d’avoir pu en apprendre plus sur le sujet et comprendre mieux les actions associées. Ceci dit, nous ne sommes pas en faveur de la captivité pour les animaux sauvages. Nous comprenons le besoin d’éduquer et de sensibiliser et ceci est très bien fait à Kpotomey. Cependant, il nous semble suffisant de le présenter au travers de panneaux explicatifs, jeux interactifs et/ou autre medias. Nous comprenons qu’il est difficile de pallier la captivité pour les animaux recueillis orphelins et qui ont grandi au contact de l’homme. Ces animaux ne craignent plus l’homme et ne serait plus sauvage. Pour des raisons éthologiques, ces animaux ne pourraient plus vivre dans leurs communautés originelles et seraient dès lors vulnérables ; serait-ce la rançon de la sauvegarde et/ou de la préservation ? Les intrants externes Nous n’avons pas encore visité de fermes autonomes au niveau de l’alimentation de ses animaux. Qu’il s’agisse -au Bénin- du Centre Songhai à Porto-Novo, de SAIn à Kakanitchoe ou du CREDI-ONG à Kpotomey, les provendes sont toute ou parties achetées. Généralement, cet apport extérieur vient compléter la production (e.g. achat de blé pour pallier le défaut de production de blé), répondre à un manque de moyens matériels (e.g. pas de machines disponibles sur site pour produire de la farine de poisson) ou tout simplement répondre à un critère économique (moins cher à acheter qu’à produire ; décision stratégique « make or buy » en termes plus « business »). L’autonomie est-elle possible ? est-ce la production animale qui, ici, empêche cette autonomie ? cependant, cette production animale apporte certains intrants à la production végétale. Nous souhaitons creuser le sujet et le ferons au travers des prochains projets que nous serons amenés à découvrir dans le cadre de notre voyage. Lorsque nous avons posé la question à Marial, il nous a confirmé que le gain d’autonomie sur l’alimentation animale faisait partie des objectifs du CREDI-ONG. Nous lui souhaitons de réussir ! L’appât du gain Vs. Le développement intégré durable : les choix des voisins Il est important de noter que le centre est complètement intégré dans village de Kpotomey ; il n’y a pas de portes, pas de barrières, pas de limites claires entre les terrains de l’association et les terrains des villageois. Lors de notre visite, nous apprenons que les papayes cultivées au bord du chemin sont OGM… Notre guide précise alors qu’il s’agit de plantations du voisin, qu’il a fait ce choix pour augmenter ses rendements et pallier la perte de fertilité de ses sols. Lorsque nous posons la question à Martial (voir article dédié), il nous répond qu’il n’approuve pas ce choix et qu’à part sensibiliser et accompagner son voisin, il n’a pas l’autorité suffisante pour lui interdire. L’appât du lucre rapide met en péril l’avenir des petits producteurs et, à terme, leur perce les poches. Comment prévenir ce garrot ? Des initiatives comme celle du CREDI-ONG rassurent et doivent être soutenues. La logique court-termisme montre chaque jour ses limites sur l’environnement, sur nos sociétés et l’individu. Nous voyageons pour rencontrer celles et ceux qui œuvrent pour un monde plus vert et plus bleu. La gestion du changement et l’importance de l’appropriation locale Le CREDI-ONG fait un travail formidable auprès des populations locales pour valoriser le patrimoine culturel traditionnel au service du développement durable de la région. Nous invitons le lecteur à lire l’article dédié à notre rencontre avec Martial pour plus d’informations à ce sujet. Le travail avec les communautés locales, dans le respect et la valorisation de leurs croyances et traditions nous a permis d’aborder un sujet qui nous semble pertinent. Au Bénin, et plus généralement l’Afrique de l’Ouest, terre du Vodun (vulgairement appelé « religions endogènes » sic RTB), ne serait-il pas pertinent de réhabiliter certaines pratiques ancestrales et de les inclure dans un cadre élaboré dans l’esprit de la biodynamie telle que théorisée par Steiner ? Nous sentons là une piste intéressante à creuser… En discutant avec notre ami Sylvestre GOGAN, il semblerait que de telles pratiques persistent encore à ce jour, un travail de capitalisation pour préserver et inspirer l’avenir nous semble évident ! Y a-t-il des volontaires ? La ferme SAIn (voir article dédié) et le CREDI laissent beaucoup de place à l’expérimentation… avis aux amateurs 😉. Les solutions de financement Enfin, nous constatons un travail fort et certainement prolifique de réseautage, d’affiliations, de partenariats, de prix et concours pour obtenir les financements nécessaires au développement des activités du CREDI-ONG. Cette solution semble pertinente et facilite certainement la gratuité des formations proposées. Nous ne maîtrisons pas les contraintes associées, nous souhaitons creuser le sujet ; notre voyage nous permettra probablement d’en apprendre plus sur les mécanismes de financement (prêts, subventions, prix, diversification, etc.) appropriés à des projets éthiques, autonomes, durables et engagés. Aller plus loin… Site internet :
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Laura & Mathieu Archives
October 2018
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