Entretien avec KOUDERIN K. Martial, fondateur & directeur exécutif du CREDI-ONG Le 9 janvier 2018, nous visitions l’antenne de Kpotomey du CREDI-ONG. Nous avons eu la chance de rencontrer et de nous entretenir avec Martial, fondateur et directeur exécutif du CREDI-ONG. Cette rencontre nous explique comment la mise en cause du statu quo, des valeurs fortes et le travail de terrain transforment un projet lucratif autour du poisson d’aquarium en une Organisation Non Gouvernementale pour l’aquaculture intégrée, l’agriculture paysanne et la protection de l’environnement. La génèse Avant Le CREDIT-ONG, il y a une rencontre. La rencontre entre Martial, Béninois, et Damien, Francais. Ces deux se rencontrent en 2003 au Bénin dans le cadre d’un voyage d’école qui emmène une quinzaine de lycéens agricoles BTS aquaculture deputies la France vers la faculté béninoise. L’objectif est l’échange culturel. Martial, étudiant en aménagement et gestion des ressources naturelles, est alors président de l’association des élèves de la faculté d’accueil. Il est en contact direct et régulier avec Arnaud Lefèvre; professeur français et chef d’orchestre de cette initiative. Rapidement, ce dernier propose un stage tripartite d’une durée de trois mois, au sein du laboratoire d’hydrobiologie et d’aquaculture. Trois étudiants représentant trois pays se lancent dans l’aventure pour la production de poissons d’aquarium au Bénin pour l’export vers l’Europe et les ÉtatsUnis… Le Stage Démarré en juin 2003, le stage est d’emblée prolongé de quatre mois supplémentaires, puis les finances le permettant d'encore quatre mois. L'équipe est désormais resserrée autour de Damien et de Martial. Pour Martial, ce stage est une découverte: poissons d'aquarium, identifications des poissons des lacs et des rivières béninoises… Ce stage donne lieu à un rapport? À la redaction de ce dernier en début d’année 2004, Martial se pose la question de la valorisation du savoir acquis… Alors que Damien repart en France; la réciprocité des échanges culturels permettent à Martial de découvrir la France! Six semaines durant, Martial, Damien et leur parrain académique Arnaud sillonnent les routes de France à la découvertes de marchés, de rencontres avec les grossistes du poissons d’aquarium, des éleveurs… Les normes en vigueur, les standards applicables, les attentes qualitatives et quantitatives au niveau de la filière permettent une première prise de conscience de l’ampleur du phénomène et de finaliser le rapport de stage. Sortir de son élément La question de la valorisation des savoirs et des compétences acquis subsiste. Arnaud pousse alors son étudiant à se lancer dans la cofondation de “Pantodon Ets”. Le Pantodon est le plus beau specimen de poisson observé par Martial et Damien dans le cadre de leur stage. Il s’agit d”un poisson papillon ouest africain. Ce poisson saute hors eau pour attraper sa proie. Martial se lance dans une activité tout à fait nouvelle pour lui, Damien refuse les facilités que lui offrent son diplôme en France. Tous les deux décident de sortir de leur élément. L’objectif est de produire et de pêcher des poissons pour l’export. Premiers constats: les attentes dépassent les moyens financiers et matériels de la petite entreprise… Changement de stratégie: développer les capacités en local pour les personnes aisées en besoin de support pour l’installation et l’entretien d’aquariums et des poissons qui les accompagnent. En parallèle, les deux compères développent également leur ferme de production piscicole et s’activent pour obtenir les financements nécessaires à leurs activités: un premier prêt de 3,6 M FCFA et une subvention de 8 500 EUR suffiront pour déjà racheter la ferme de ce retraité qui souhaite donner sa chance aux jeunes: les 1,2 hectares permettront de produire du poisson d’ornement et destiné à la consommation. Les contraintes financières et la concurrence (pêche, surgelés, …) révèlent aux fondateurs le besoin de travailler au niveau de la filière et de fonder une association; vecteur social de leur entreprise de production piscicole. Promotion de l’aquaculture intégrée La cumulation des deux status et d’entreprise et d’association complexifie le fonctionnement: fin de l’entreprise, vive l’association! L’association a pour objectif d’équilibrer les contraintes économiques et techniques et de raisonner global (pas que le poisson, intégrer la pisciculture) au travers de l’association avec d’autres productions (animal, maraîchage, …). Nos amis pisciculteurs font le constat suivant: les pisciculteurs ne se connaissent pas et ne partagent pas leurs connaissances. Le CREDI-ONG lance alors une enquête sur le Sud Bénin, organise des rencontres et tisse un réseau de pisciculteurs. Ce travail mène à la création officielle en 2009 du “Réseau National des Pisciculteurs du Bénin” avec Martial comme président. Son travail auprès des ministères permet de structurer le réseau et de le développer en “Fédération Nationale des Pisciculteurs du Bénin”. La Vallée du Sitatunga ou la protection de l’environnement La ferme piscicole associative est complètement ouverte sur le village et attire les curieux. Les villageois de Kpotomey passent et sympathisent. Certains sont chasseurs et offrent du gibier aux pisciculteurs, un peu au début puis de plus en plus régulièrement. Nos fondateurs finissent par se poser la question de l’origine de ce gibier: d’ou vient-il? Du maraicage derrière la ferme… les fondateurs demandent alors de préférer les animaux vivants pour développer l’attractivité du lieu et récupèrent ainsi petits mammifères, serpents, etc. Se pose alors une deuxième question: ces animaux sont-ils en danger? Oui! Certaines espèces sont menacées d’extinction! Il est impensable de ne rien faire; il faut conscientiser! Commence alors un travail de sensibilisation et d’éducation au caractère précieux et limité des ressources naturelles de la vallée; notamment de sa faune. Entre 2007 et 2008 sont lancées les premières études environnementales dans la vallée. Elles mettent en exergue une grande biodiversité et un vrai potentiel: “Il faut agir! Nous arrivons à la conclusion qu’il faut créer une réserve naturelle communautaire.” La prise de conscience nécessaire et les règles de gestion associées sont d’abord partagées avec les chasseurs de la vallée au travers de jeux, d’entretien, d’analyses comparatives “il y a 10 ans, c’était comment?”... Il faut un symbole fort et fédérateur; le plus gros gibier de la région, prise supreme et pleine de mysticisme pour les chasseurs, est le Sitatunga. Le Sitatunga est un guide d’eau pouvant atteindre 1,5 m au garot pour 120 kg (voir article sur la visite de l’antenne de Kpotomey). Le CREDI-ONG s'évertue à valoriser les chasseurs en s’inspirant des traditions et des légendes locales. Un travail d’enquête approfondi ayant permis un certains nombre de formalisations administratives et, moyennant lobby et plaidoyer, la rédaction d’actes officiels pour la revalorisation du chasseur et de son rôle. Aussi, une fois par an est organisée la fête des chasseurs de la vallée du Sitatunga. Cette fête valorise les qualités et l’abilité des chasseurs de la vallée et réhabilite l’image héroïque de ces hommes courageux capables de braver la nature et les esprits. L’idée n’est pas de bannir la chasse mais de promouvoir une “chasse responsable” (voir chapitre sur la promotion de l’agriculture paysanne). Les chasseurs sont des ambassadeurs et participent activement au recensement des populations animales dans la vallée. Ils prêtent serment dans le cadre de cérémonie rituelle traditionnelle dans la logique solennelle de droiture qui leur incombe pour des techniques de chasse raisonnable. Les serments cérémoniels sont pris très au sérieux: malheur a celui qui n’a pas parole de fer. La promotion d’une agriculture paysanne a gestion communautaire de l’environnement de la vallée prend de l’ampleur et finit par dépasser les activités agricoles. Cependant, les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Les chasseurs chassant pour se nourrir, il n’est pas simple de leur demander d’arrêter la chasse; il s’agit là bien souvent de survie. Ainsi le CREDI-ONG propose des solutions alternatives à la chasse et forme gratuitement les habitants de la vallée -notamment les 400+ chasseurs- à l’agro-écologie et au développement de micro-élevages. L’ambition? Promouvoir une agriculture qui protège les écosystèmes; qui permet de vivre sans détruire. Les solutions sont multiples et les inspirations tout autant. Pour ne citer qu’un exemple: le prêt d’animaux comme mis en place par “Élevage Sans Frontières”. Cette association suit et responsabilise des familles d’éleveurs en devenir par la mise en place d’un planning de prêt d’une famille d’animaux. Une première famille reproductrice est prêtée à la famille numéro 1; cette famille élève les animaux et assure la reproduction pour pouvoir ensuite prêtée la nouvelle famille animale à la famille numéro 2 dans le planning. La famille numéro 2 accompagnera la famille numéro pour garantir la santé des animaux qui lui seront prêtés. L’entraide et la solidarité permettent ainsi à ces éleveurs de lancer leur activité. Aujourd'huiLe CREDI-ONG poursuit ses missions de promotion de l’aquaculture intégrée et de l’agriculture paysanne ainsi que de protection environnementale au travers de la gestion communautaire de la vallée, de l’accueil de volontaires; de stagiaires et d’étudiants qui bénéficient d’une formation gratuit et de logement sur site. Les formation sont effectuées en fonction des besoins de chacun et permettent d’accueillir une centaine de participants simultanèment, comme cela a pu être le cas entre mai et juin 2017. Le bouche à oreille fonctionne et fait rayonner le CREDI-ONG. Autres projets Le CREDI-ONG déborde de projets et d’envies! Comme le dirait Damien: “toujours additionner, ne jamais soustraire”. Les deux fondateurs ne peuvent s’empêcher d’agir là ou ils estiment que cela est nécessaire. Ainsi, le CREDI-ONG propose déjà le reboisement de la région au travers de la mise en place d”une pépinière et l’organisation de journée vertes pour le reboisement dans les villages de la vallée. Le CREDI-ONG travaille également à:
Demain Les principaux défis du CRÉDI-ONG sont les suivants:
Rester attentif à son environnement, travailler avec les communautés locales tout en restant fidèle à ses valeurs semble être les moteurs du développement vertueux du CREDI-ONG. Nous souhaitons voir cette aventure continué à grandir et à développer des solutions pour un monde plus vert et plus bleu. Nous remercions Martial pour sa disponibilité et sa générosité (le repas était délicieux!). Nous souhaitons à Martial, Damien et l’ensemble des acteurs du CREDI-ONG de réussir! Midokpo!
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Laura & Mathieu Archives
October 2018
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